Bonjour Brice, pourriez-vous vous présenter et nous expliquer le rôle de Bureau GDA dans le domaine du repérage de l'amiante naturel ?
Bonjour, je m’appelle Brice Sevin. Je suis géologue de formation, docteur en géologie, et directeur technique du Bureau GDA.
Mon parcours m’a amené à travailler de nombreuses années sur les problématiques liées à l’amiante naturel, notamment dans des contextes où ce risque est fortement présent, comme la Nouvelle-Calédonie, ce qui m’a conduit à co-fonder Bureau GDA.
Bureau GDA est un bureau d’études spécialisé dans le repérage de l’amiante naturel dans les sols et les roches, en amont des projets d’aménagement ou de travaux. Contrairement à l’amiante des bâtiments, il s’agit ici d’un risque géologique, souvent méconnu, qui peut être mis en évidence lors de terrassements, de forages ou de travaux de génie civil.
Notre rôle est d’identifier ce risque le plus tôt possible, d’évaluer l’aléa amiante conformément à la réglementation et aux normes en vigueur, et d’accompagner les maîtres d’ouvrage et les entreprises dans la mise en place de mesures adaptées. L’objectif est double : protéger la santé des intervenants et sécuriser les projets, tout en apportant une expertise scientifique claire et opérationnelle.
En quoi consiste précisément le processus de sécurisation des carrières grâce au repérage de l'amiante naturel, et quels en sont les principaux avantages pour les entreprises ?
Le repérage de l’amiante naturel dans les carrières consiste à identifier et caractériser en amont la présence éventuelle de minéraux amiantifères dans les roches ou les matériaux exploités, à l’aide de méthodes géologiques et d’analyses normalisées. Ce travail peut être complété par un suivi au fil de l’exploitation, afin d’adapter les mesures de prévention à l’évolution du gisement.
Pour les entreprises, les bénéfices sont clairs : protection de la santé des salariés, conformité réglementaire, sécurisation des autorisations d’exploitation et réduction des risques d’arrêt de chantier ou de responsabilité juridique. C’est une démarche à la fois sanitaire, réglementaire et stratégique pour une exploitation durable des carrières.
Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées dans l'identification et la gestion de l'amiante naturel sur le terrain ?
La principale difficulté sur le terrain est liée au fait que la réglementation amiante a historiquement été conçue pour le bâti, avec des logiques et des méthodes qui ne sont pas toujours adaptées aux milieux naturels et aux contextes géologiques. L’amiante naturel est hétérogène, parfois très localisé, et son comportement diffère fortement de celui de l’amiante contenu dans des matériaux manufacturés.
Cela rend l’application des textes existants parfois complexe, tant pour l’identification que pour la gestion opérationnelle du risque. Nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition, avec une prise de conscience croissante des autorités, et nous attendons justement des évolutions réglementaires et méthodologiques qui permettront, à terme, une approche plus spécifique, plus pragmatique et mieux adaptée aux réalités du terrain naturel.
À votre avis, comment les techniques et technologies utilisées pour le repérage de l'amiante évoluent-elles, et quelles innovations récentes ont retenu votre attention ?
Les techniques de repérage de l’amiante évoluent vers des approches réellement adaptées aux milieux naturels, ce qui implique aussi une évolution des compétences mobilisées. L’amiante naturel est avant tout une problématique géologique : son identification repose sur l’analyse du contexte géologique, et doit être menée par des géologues spécialistes de l’amiante environnemental, et non par des diagnostiqueurs issus du bâti.
Dans cette dynamique, la méthodologie développée par le BRGM pour les carrières alluvionnaires constitue une avancée majeure. Elle permet d’évaluer de manière structurée la présence potentielle d’amiante naturel en intégrant les spécificités géologiques de ces gisements, avec des protocoles de prélèvements et d’analyses adaptés. Cette approche plus ciblée et opérationnelle préfigure les évolutions attendues pour une gestion plus pertinente et plus fiable du risque amiante dans les carrières.
Pouvez-vous partager une expérience de terrain marquante où le repérage de l'amiante naturel a joué un rôle crucial dans la préservation de la sécurité des travailleurs ?
Un exemple marquant concerne un projet routier en Corse, dans un contexte géologique connu pour pouvoir contenir de l’amiante naturel. Le repérage que nous avons réalisé en amont a permis de localiser précisément les zones concernées, et surtout de distinguer les secteurs réellement à risque de ceux qui ne l’étaient pas.
Cette cartographie fine a été déterminante pour la suite du projet : elle a permis aux entreprises intervenantes d’adapter leurs modes opératoires et leurs moyens de prévention, et surtout d’intervenir sous la sous-section appropriée du Code du travail, SS3 ou SS4. Cela a évité à la fois une exposition inutile des travailleurs et des contraintes excessives là où elles n’étaient pas justifiées.
Ce type de situation est loin d’être isolé : nous rencontrons des enjeux similaires sur des projets de tunnels, de fondations de bâtiments ou de carrières, où un repérage géologique précis de l’amiante naturel est un levier essentiel pour concilier sécurité des travailleurs et maîtrise opérationnelle des chantiers.
Comment envisagez-vous l'avenir du secteur en matière de prévention des risques liés à l'amiante naturel, et quelles avancées espérez-vous voir dans les prochaines années ?
Aujourd’hui, on sait que la mise en place progressive de la réglementation sur l’amiante naturel commence logiquement par les grandes collectivités, les grandes entreprises de TP et les carrières, parce que ce sont eux qui mobilisent le plus de moyens et qui présentent les enjeux d’exposition les plus importants.
Mais à terme, cette démarche va naturellement s’étendre aux PME, puis aux particuliers, non pas dans une logique de contrainte ou de peur, mais dans une logique de prévention et de bon sens.
L’idée n’est pas de dire que tout est dangereux, mais de mieux connaître le sous-sol sur lequel on intervient, pour adapter les méthodes de travaux et éviter des expositions inutiles.
Quel message aimeriez-vous transmettre aux professionnels et entreprises qui hésitent encore à investir dans le repérage de l'amiante naturel pour sécuriser leurs sites ?
Le message que j’aimerais faire passer, c’est que le repérage de l’amiante naturel ne doit pas être vu comme une contrainte de plus, mais comme un outil de pilotage. Anticiper, c’est structurant : ça permet de maîtriser les coûts, les délais, et surtout d’éviter les mauvaises surprises en cours de chantier.
On le voit très concrètement sur le terrain : quand le sujet est pris en amont, il s’intègre naturellement dans le projet. Quand il est découvert trop tard, il devient forcément plus compliqué et plus coûteux.
Il faut aussi être rassurant : même si les roches à potentiel amiantifère sont relativement fréquentes, la présence réelle d’amiante, elle, reste finalement assez rare. Mais la seule façon de le savoir, c’est de vérifier.
Pour en savoir plus : https://www.bureau-gda.fr
